Dégradation du cadre écologique haïtien : entre non-respect des droits fondamentaux des citoyens et faillite de l'État.

 


Durant ces dernières décennies on a assisté à une croissance fulgurante de la vulnérabilité d'Haïti face aux aléas du naturel. Entre les périodes cycloniques de chaque année et les risques sismiques imminents, s'ajoutent les risques sanitaires qui sont encore et toujours mal gérés par nos différentes autorités établies. Que faire? Nonobstant la faillite voire l'inexistence même de l'État, comment peut-on faire face aux aléas et menaces liés aux changements climatiques?

Kensley Edmond pour VIEW WEB MEDIA

Le processus de dégradation du cadre écologique haïtien, particulièrement la déforestation et l'érosion du sol, a commencé avec la colonisation et a continué jusqu'à aujourd'hui¹. En 1492, la couverture forestière d'Haïti était de 95%, en 1791 elle est passée à 50%. Selon un rapport de la banque mondiale (1990) sur la gestion des ressources naturelles en Haïti, la couverture forestière du pays était évaluée à environ 200 000 hectares de terre soit 7% de la couverture forestière du pays et en 1995 la FAO dans un autre rapport a signalé une baisse considérable des zones de  qui étaient évaluées à environ 107 000ha de terre soit 4% de la superficie totale du pays. Aujourd'hui, même si la superficie couverte en forêt n'est pas connue avec exactitude toutefois selon les dernières études, elle est évaluée entre 1 et 2% de la superficie totale du pays².

Le droit à un environnement sain, une obligation

Le premier forum sur l'environnement humain a été réalisé en 1972 et à la suite de ce sommet le programme des nations unies pour l'environnement (PNUE) a été créé. Et depuis, des sommets et conférences ont été réalisés sur tous les aspects de l'environnement tels eau, dégradation de la couche d'ozone, changements climatiques, le développement durable, etc. Sans oublier les différents accords et traités signés ainsi que les différentes COP³.

Dans une dynamique d'institutionnalisation du cadre global de l'environnement, un système juridico-légal a été mis en place avec la création du droit de l'environnement. Ainsi le droit de l'environnement s'inscrit dans la dynamique des droits fondamentaux de la personne humaine à telle enseigne il constitue la troisième génération des droits de l'homme.

Même si elle concerne en grande partie les pays de l'Europe et de l'Asie, la convention d'Aarhus reconnait à chacun le droit de vivre dans un environnement sain et de le protéger. Et la constitution haïtienne dans ses articles 253, 254, 256 et 257,  définit un cadre juridique devant conduire au respect et à la protection de l'environnement.

A la problématique de la déforestation qui reste un dilemme s'ajoute l'érosion du sol, la dégradation des bassins versants. Sans oublier la pollution de l'eau et de l'air, les inondations, l'élévation du niveau de la mer, et surtout l'incapacité des autorités locale et centrale dans la gestion des déchets et résidus solides. Malgré les rapports et études produits sur la vulnérabilité du pays sur le plan environnemental, malgré la création pléthorique d'institutions devant s'occuper de la gestion de l'environnement et de l'aménagement du territoire, malgré les soi-disant politiques publiques élaborées en matière de protection durable de l'environnement, la qualité de vie du citoyen haïtien ainsi que le cadre écologique ne cessent de se dégrader de plus en plus. S'il est évident que l'État haïtien a failli à sa mission de protéger ses citoyens, quels sont les mécanismes qui doivent être mis en place pour protéger le citoyen haïtien en lui garantissant un environnement sain dans lequel il fait bon de vivre?

L'État haïtien face à ses responsabilités

La principale fonction de l'État consiste à poursuivre les objectifs généraux que se fixent les acteurs sociaux, et pour ce faire il doit attribuer des rôles différenciés et hiérarchisés aux institutions sociales de base (Dorvilier, 2012). La société haïtienne est caractérisée par une profonde crise institutionnelle d'autorité, à ce propos Leslie Péan (2003) souligne que depuis l'indépendance une faillite sur le plan de l'organisation sociale a été constatée et cela n'est pas sans conséquence sur le niveau d'implication des citoyens dans la vie politique et sociale du pays. Et le pire dans tout ça, quand l'État n'est pas totalement absent, les mécanismes qu'il a mis en place ne répondent pas aux désidératas de la population.

Les menaces liées aux changements climatiques sont réelles, la situation dégradante du cadre écologique globale du pays le rend encore plus vulnérable face à ces menaces grandissantes. Pour pallier ces problèmes, il incombe à l'État d'assurer la protection de ses citoyens par la mise en place des programmes de formation, de sensibilisation des populations à risque. Il est aussi de la responsabilité de l'État de mettre en place de vraies politiques publiques en matière de


protection durable de l'environnement et que les institutions à qui sont incombées le rôle de protection et de sauvegarde du territoire national puissent jouer pleinement leurs rôles. En face des risques et menaces que représentent les aléas du naturel, l'État doit nécessairement prendre les décisions qui s'imposent sinon le pire est à venir et "nous mourons tous" aux dires de Délira dans le  Gouverneur de la rosée,  car la nature n'est pas partisane. A bon entendeur salut!


Kensley Edmond

eureka.edmond@gmail.com






Références bibliographiques

1- Ministère de l'environnement, Programmes alignés d'action nationale de la lutte contre la désertification, Port-au-Prince, avril 2015

2- OXFAM, Adaptation aux changements climatiques: le cas d'Haïti, Port-au-Prince, 2014

3- Conférences des parties

4- Cette convention porte le nom de la ville danoise dans laquelle elle a été signée en juin 1998 et elle est rentrée en vigueur en 2001

5- DORVILIER Fritz, La crise haïtienne du développement : essai d'anthropologie dynamique, éditions de l'Université d'État d'Haïti, Port-au-Prince, 2012

6- PEAN, Leslie, Haïti: économie politique de la corruption. De Saint-Domingue à Haïti (1791-1870), Paris, Maisonneuve et Larose, 2003


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