VIEW: L'éducation comme moyen de prévention contre les risques environnementaux en Haïti : enjeux et défis.
Des crises sanitaires comme la lèpre, la peste noire, le choléra, la grippe aviaire, le sida, l’Ébola sans oublier le covid-19 en passant par les risques environnementaux pour arriver aux risques liés aux changements climatiques, l'humanité a toujours fait face à des crises de tous genres. Certains de ces phénomènes étant devenus planétaires, les Nations Unies ont concocté des programmes et conférences pour sensibiliser la population mondiale sur les risques liés aux crises sanitaires et environnementales. Et Haïti dans tout ça? Quels sont les mécanismes mis en place par l'État haïtien pour pallier les risques environnementaux? Nonobstant son état de délabrement, quels sont les rôles que l'éducation peut jouer dans la prévention des risques environnementaux?
Ayant pris conscience de l'ampleur de la problématique de l'environnement, en 1972, les Nations Unies se sont réunies à Stockholm pour réaliser la première conférence sur l'environnement humain. En 1982, une deuxième conférence a été réalisée à Nairobi mais ce n'est qu'en juin 1992 lors de la conférence de Rio qui a pris le nom de CNUED que 173 nations vont se positionner réellement sur la problématique de l'environnement en adoptant le programme d'action 21 avec la convention sur le changement climatique. Environ 24 COP ont été réalisés sans oublier les différents sommets sur l'eau et sur le développement durable, malgré tout cela les risques découlant de l'environnement et des changements climatiques n'ont cessé de s'accroître surtout dans les pays de la périphérie.
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Conférence Stockholm |
Haïti et la problématique de l'environnement
Faisant
partie du concert des nations, Haïti a pris part à la majeure partie de ces
conférences et sommets réalisés sur l'environnement. Dans une dynamique de
suivi des accords signés, un ministère de l'environnement a été créé en 1998.
Puis en janvier 2006, le décret du 24 octobre 2005 adopté au parlement a été
publié dans le journal officiel, le Moniteur. Dans ce décret portant sur la
gestion de l'environnement et la régulation de la conduite des citoyens et
citoyennes pour un développement durable, une pléthore d'instance devant
s'occuper de l'environnement national et de l'aménagement du territoire ont été
créées, on peut citer le SNGE (Service national de gestion de l’environnement)
qui selon l'article 28 de ce dit décret devrait assurer la gestion de
l'environnement par la planification environnementale, le SNAP (Service
National des Aires Protégés), l'ANAP. Sans oublier le CONATE, le CIMATE, le
COTIME, l'UTS (Unité Technique et Scientifique de l’Environnement). Malgré la
création de toutes ces instances, malgré
les symposiums et la création des
organisations écologiques, malgré la publication des documents évoquant la
dégradation de l'environnement comme facteurs expliquant la pauvreté dans le
pays, la problématique de l'environnement reste entière.
Au
fil du temps, Haïti est devenue un pays en situation d'extrême vulnérabilité
face aux aléas naturels et est aussi devenue une proie facile aux menaces
environnementales à telle enseigne les situations de crise provoquées par les
cataclysmes tels cyclones et séismes qui se sont abattus sur le pays durant ces
deux dernières décennies peuvent en servir de preuve.
Les défis à relever sont énormes. En dehors des menaces naturelles qui sont indépendantes de la volonté humaine, les politiques publiques en matière de protection de l'environnement ne sont jamais effectives vu que l'État est quasi inexistant. Et, la population livrée à elle-même, malgré elle, contribue grandement dans le processus de dégradation de l'environnement par la coupe systématique des arbres dans les forêts. Selon une étude menée par EACH-FOR, de 85% du territoire boisé au 15ème siècle on est passé à 2,4% aujourd'hui. Dans un rapport de recherche produit en 2014, l'OXFAM a pointé du doigt la question de la désertification du pays. Selon ce rapport, en 1927 Haïti avait une couverture forestière de 25%, qui aujourd'hui est estimée à 1,5%. Ces déboisements et déforestations rapides qui ont eu lieu au cours de ces dernières décennies ont eu des conséquences néfastes sur l'environnement national. Les menaces sont imminentes.
L'éducation,
outil efficace pour un changement de paradigme
L'école, comme institution, doit remplir une double fonction de socialisation et d'allocation de ressources techniques et économiques. Selon Hannibal Price, cité par Leslie Péan, la transition du stade archaïque vers un État moderne est l'une des principales fonctions qui est assignée à l'institution scolaire. En ce qui a trait à l'école en Haïti, il est évident que le système scolaire est caractérisé par l'inégalité des chances. Dans une dynamique socio-historique, François Pierre Enocq avance que la logique de l'inégalité des chances en Haïti se trouve à deux niveaux: le premier se fonde sur l'accès à l'éducation de base et le deuxième sur la qualité de l'éducation. Toutefois, au-delà de cette évidence, l'éducation à tous les niveaux (scolaire et civique en particulier) est le seul moyen qui peut aider dans la sensibilisation de la population contre les menaces environnementales.
Il
faut noter que tout un cadre juridico-légal a été institué pour la mise en
place d'un système de protection de l'environnement par l'éducation des
citoyens. Déjà la constitution de 1987, dans ses articles 32 à 34, garantit le
droit à l'éducation. Et dans son article 253, elle interdit toutes les
pratiques susceptibles de perturber l'ordre écologique.
Le
décret du 24 octobre fait suite à la loi mère car dans son article 75, il est
stipulé ceci: "l'éducation relative à l'environnement est déclaré matière
obligatoire à tous les niveaux du système national de l'éducation". Et il
a été aussi prévu dans ce décret que
l'État a pour rôle de promouvoir l'éducation relative à l'environnement par la
diffusion des programmes d'information et de sensibilisation. Si sur le plan
juridique tout un dispositif légal a été élaboré pour la protection de
l'environnement par contre s'agissant de l'application des lois, de la
planification environnementale par l'élaboration de vraies politiques
publiques, de l'implémentation de projets de développement durable pour le
cadre écologique national, les autorités étatiques répondent aux abonnés
absents.
Devant
les menaces que représentent le cadre écologique haïtien, il est un impératif
que l'État central et local assument leurs responsabilités car les risques liés
aux menaces naturelles n'épargnent personne, d'ailleurs l'histoire récente du
pays concernant les conséquences néfastes des séismes violents (2010 et 2021)
et les cyclones qui s'abattent sur le pays entre juin et novembre de chaque
année, peuvent en servir de preuve.
Il
est évident que le système éducatif haïtien est caractérisé par l'inégalité des
chances néanmoins pour faire face aux menaces imminentes de séisme sans oublier
la période cyclonique qui augmente la population des démunis surtout au niveau
de la paysannerie, l'éducation est le moyen le plus sûr que les autorités
établies doivent utiliser pour sensibiliser, former et informer la population
sur les risques environnementaux car pour paraphraser l'autre "tant vaut
l'éducation tant vaut un environnement sain".
Kensley Edmond
eureka.edmond@gmail.com
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